En philosophie, on prend pour acquis que la perception et le symbole relèvent de deux domaines d'investigation séparés, si bien que la plupart des philosophes estiment que presque aucune aide pour comprendre l'expérience perceptuelle n'est fournie par l'étude du symbole. Une pareille supposition, qui semble par ailleurs être corroborée par l'interprétation sémiotique du symbole si répandue aujourd'hui, est à notre avis contestable comme le démontrent les analyses étymologiques menées par Friedrich Creuzer et la théorie de la perception élaborée par Alfred North Whitehead. Dans le but de contribuer au débat contemporain sur l'expérience perceptuelle, ce livre prend comme point de référence les ouvrages philosophiques de Whitehead, notamment Symbolisme. Sa signification et son action. Nous y effectuons une analyse approfondie de certains problèmes philosophiques et épistémologiques que débattent les philosophes de la perception, problèmes qui tournent autour de trois questions principales : a) quel est le rôle de l'activité cérébrale dans l'expérience perceptuelle; b) de quelle conception de la causalité avons-nous besoin pour élucider la relation liant l'expérience perceptuelle d'un certain objet à la présence de cet objet dans l'environnement du sujet percevant juste avant que celui-ci ne le perçoive; c) quelle est l'approche ontologique de la temporalité la plus adaptée pour rendre compte des aspects temporels de l'expérience perceptuelle. En partant d'un examen de ces trois questions, nous nous proposons de montrer que la théorie symboliste de la perception développée par Whitehead offre non seulement une perspective philosophique compatible avec des études contemporaines de l'expérience perceptuelle mais aussi une voie vers l'explication de certains phénomènes perceptuels mystérieux et fascinants tels que le membre fantôme et la vue aveugle. C'est pourquoi nous mettons en lumière certaines similitudes qu'on peut selon nous constater entre la théorie whiteheadienne et deux approches interdisciplinaires de la perception élaborées récemment : le modèle de Lorne Maclachlan et celui externaliste formulé par Riccardo Manzotti et ses collègues.